À son domicile de Québec, le 18 juillet 2012, est décédé à l’âge de 4 ans et 9 mois, Sault-au-Matelot.
Matelot laisse dans le deuil son maître, celui auprès de qui il se lovait, chaque soir, niché à mi-chemin entre l’épaule et le dos, la tête profondément glissée dans la brèche formée par le cou et un fauteuil. Aussi, ses derniers moments auront été dirigé vers cet homme : fléchi sur le cœur de ce dernier, quand bien même trop faible pour soutenir son propre poids, Matelot puisa ses dernières forces pour se hisser, à l’aide de son bec, jusqu’au cou de celui qu’il aura chéri jusqu’à la fin.
Bon vivant, Matelot aura vécue dans l’opulence jusqu’à sa mort. Ses excès de millet en grappes, mais aussi d’alcool, particulièrement quelques lapés de Porto, et de temps à autre de Grand Marnier, l’auront mené, vraisemblablement, a une maladie incurable. Son ultime plaisir aura été une bouteille de rhum vieilli en fûts de chêne, El Dorado, le plus fin de Demerara.
Les funérailles ont eu lieu dimanche le 22 juillet 2012, à 11 heures en la municipalité de Saint-François-de-l’Île-d’Orléans, suivies de l’inhumation en fleuve. Le corps de Matelot a été immergé dans le Chenal des Grands Voiliers en le faisant doucement glisser sur le pont d’un kayak de mer vu la déclaration maritime de santé établie par le capitaine. Le corps a été placé dans un cercueil lesté d’un mélange de graines et d’une grappe de millet, puis sellé d’un ruban bleu avec un motif représentant une fleur.
La sépulture fut suivit par le passage de 26 voiliers de la Transat Québec—Saint-Malo.Ô Capitaine ! Mon Capitaine !
Le vent est levé, le fleuve se retire.
Il est temps de faire ses derniers adieux.
C’est ici que commence ta première migration,
Alors, soit attentif au cours de la prochaine heure.
La navigation est très difficile là où nous allons.
J’ai rempli la cale d’un mélange de graines,
Beaucoup plus qu’il en faut pour ce voyage.
Comme je te connais, tu n’y toucheras point,
Pas avant d’entamer la grappe de millet.
Vois comment notre progression est difficile.
Lorsque nous pagayons contre vent et marée,
On paye une dîme pour chaque coup de pagaie.
Apprends à vivre en harmonie avec la Mer.
T’as vu ? Un poisson vient de sauter !
Là ! Encore un autre ! Et un autre !
Excuse-moi pour les éclaboussures dans les yeux.
À combattre les éléments, me voilà à bout de force.
Il me faut céder. Notre équipée tire à sa fin.
Allez ! Je ta laisse glisser à l’eau.
Que fais-tu ? J’ai voulu te voir immergé.
Officier de marine, te revoilà à ma poursuite !
Tu es aux commandes de ton premier vaisseau.
Va ! Ta dernière migration doit se faire seule.
Je suis fier de toi, compagnon !
Te voilà un vrai Capitaine !
Francis Sirois — Maître de Matelot